Fish &UX (ou CX, HX, EX, XX)

Je ne conçois pas d’expérience. Vous non plus. Désolé.

Avant de me lancer des tomates, je tiens quand même à dire que les professions UX, CX, HX, EX, etc., sont importantes. Mais si vous avez ces disciplines à cœur, peut-être que cet article vous fera réfléchir sur ma première affirmation.

Donc, nous ne concevons pas d’expériences.

  • Nous concevons des interfaces (UX) afin de relier l’objectif d’une entreprise aux utilisateurs. La même interface peut être parfaite pour certaines personnes et exécrable pour d’autres.
  • Nous concevons des processus de vente (CX) conçus pour inciter les clients à acheter un produit ou un service d’une entreprise. Si l’expérience est agréable mais non profitable, elle sera modifiée.
  • Nous analysons le comportement humain (HX) afin de le transposer à un problème d’entreprise ou de société. Une même solution humaine peut être une solution adéquate pour l’un, mais une injustice pour l’autre.
  • Nous concevons des environnements de travail (EX) afin d’optimiser la performance et la rétention du personnel. Pour certains, cela veut dire favoriser le plaisir et bien-être, et pour d’autres, efficacité et accomplissement.

Ici, je n’ai pas noté toutes les subtilités de chaque discipline, mais l’essentiel de l’idée s’y trouve.

Les UX, CX, EX, HX et autres “X” : des concepts inventés pour baliser des pratiques, mais la réalité est bien plus complexe

Dans les entreprises, on parle souvent de UX (User Experience), CX (Customer Experience), HX (Human Experience) et bien d’autres “X” qui fleurissent dans les conversations. Ces concepts ont été créés pour expliquer, cadrer et structurer les champs d’action des gens. Après tout, il faut bien qu’une entreprise s’organise avec des rôles, des postes et des responsabilités.

Mais en réalité, l’expérience ne connaît pas de frontières disciplinaires. Elle est partout. Et ça, on l’entend de la part de toutes ces disciplines. Chaque interaction, qu’elle soit numérique, physique ou émotionnelle, constitue une expérience en soi. Et c’est là que réside une vérité fondamentale : nous concevons des interfaces, des produits, des processus, des objets… mais jamais l’expérience en elle-même.

Ce que nous contrôlons : la conception

Ce que nous concevons est tangible, stable, parfois même rigide. Une interface a un nombre limité de boutons ; un produit a des fonctionnalités précises ; un processus suit une logique définie. Ces créations sont figées dans leur état une fois mises à disposition.

Ce que nous ne contrôlons pas : l’expérience

L’expérience, quant à elle, est subjective et imprévisible. Elle dépend non seulement de l’objet conçu, mais aussi de plein de facteurs externes.

  • Le contexte économique : Un service de luxe peut être perçu différemment en période de crise économique.
  • Le contexte d’utilisation : Une interface qui paraît fluide à une personne calme et détendue peut sembler complexe et aride à quelqu’un sous pression.
  • La météo : un même produit peut être perçu positivement sous le soleil et négativement sous la pluie. Ou même sous trop de soleil, hein… Et la neige ? Une catastrophe en avril, une bénédiction en janvier pour les skieurs.

Le rôle du/de la professionnel·le de l’expérience…

Le rôle du/de la professionnel·le (UX, CX, HX, EX, etc.) est de concevoir une base stable, une structure qui offre les meilleures chances de générer une expérience souhaitée dans un contexte souhaité pour des utilisateurs ciblés. Mais une fois que nos créations rencontrent la réalité du monde, nous ne pouvons que croiser les doigts.

À ce moment-là, nous ne pouvons qu’observer l’expérience. Et c’est de cette perte de contrôle que j’affirme que nous ne pouvons concevoir une ou des expériences. L’expérience appartient à l’utilisateur et est quelque chose d’abstrait et d’intangible. Et non, votre parcours utilisateur avec les pain points n’est pas la réalité. C’est une représentation très simplifiée d’une expérience à un moment fixe dans le temps faite pour communiquer.

Qui est responsable de l’expérience?

Posez-vous deux questions sur l’utilisation des termes en X :

1 – Si l’expérience est magnifique et « réussie », c’est grâce à qui ?

2 – Si l’expérience échoue, c’est la faute à qui ?

Ma logique, et vous pouvez la challenger :

  • Si c’est le spécialiste de l’expérience dans les deux cas, vous sous-estimez l’importance de tous vos collègues. Je plains vos collègues.
  • Si la réponse est « tout le monde » dans les deux cas, comment pouvez-vous en être réellement responsable ?
  • Si c’est vous pour la question 1, mais d’autres pour la question 2… damn… je plains vraiment vos collègues.
  • Si la réponse est « Personne », je plains l’entreprise dans laquelle vous travaillez.

La réponse à ces questions ?

Ce texte n’est pas un article du type « L’expérience est morte » ou « Il ne faut plus utiliser les termes UX, CX, XX », mais plutôt une réflexion qui, je crois, est importante pour chaque professionnel. Nous ne concevons pas l’expérience ; nous concevons les conditions qui permettent — ou non — une expérience réussie. Ce sont les utilisateurs et les clients qui vivent et créent, par le fait même, l’expérience à un moment donné, dans un contexte donné.

Personnellement, je préfère être responsable des choses que je contrôle (maquettes, processus, diagrammes, etc.) plutôt que des émotions des gens. Pas vous ?

Ah et pour les poissons…

Merci d’arrêter de mettre les professions dans des cercles en définissant ce qui englobe quoi. Cela suggère des niveaux d’importance et de hiérarchie qui n’ont pas leur place quand vient le temps de discuter du bien des clients ou des utilisateurs. Si nous jouons à cela entre nous, il y aura toujours un cercle plus grand que nous. Autrement dit, ce n’est pas une compétition. Peu importe la profession, si vous voulez une place juste, il faut arrêter de s’opposer les uns aux autres.

Avec amour, bonne Saint-Valentin !


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