Down the rabbit hole

Vous avez sans doute déjà entendu l’expression down the rabbit hole, tirée du roman Alice’s Adventures in Wonderland de Lewis Carroll. Si vous n’avez jamais lu l’œuvre ou vu l’une de ses adaptations au cinéma, voici comment l’aventure commence :

Alice aperçoit un Lapin Blanc, vêtu comme un gentleman, qui semble extrêmement pressé. Intriguée, elle le suit jusqu’à un terrier et y tombe, entamant une chute sans fin qui la conduit au « pays des merveilles ». Là-bas, les règles de notre réalité habituelle n’existent plus.

Avec le temps, l’expression down the rabbit hole a pris le sens de « s’égarer » ou « s’impliquer à l’excès » dans un sujet. Elle symbolise souvent la curiosité qui finit par nous éloigner de notre objectif initial, voire la distraction. Malheureusement, cette notion a parfois une connotation négative.

https://www.youtube.com/watch?v=XMVwQcjn3NY

Être comme Alice

De nombreux designers se retrouvent dans la même situation qu’Alice. Leur mission est apparemment simple : concevoir un site web, une affiche ou encore une expérience en magasin. Après tout, c’est leur métier : concevoir.

Pourtant, à l’image d’Alice, ces designers sont curieux. Ils cherchent à comprendre des éléments qui peuvent sembler absurdes ou contradictoires à leurs yeux. Ils posent des questions, creusent les problématiques et finissent par remettre en cause certaines « évidences », voire l’autorité en place. Maudite soit la Reine de Cœur !

Si, comme moi, vous êtes designer, vous vous surprenez probablement à défier vos collègues, vos clients ou le cadre du projet. C’est notre manière d’explorer, d’envisager d’autres solutions et, en fin de compte, de revenir à une réalité qui a du sens pour nous. Mais cette « réalité » est-elle la seule ?

La réalité du Lapin Blanc

Face à nous, il y a souvent des clients, des patrons ou des collègues qui ressemblent au Lapin Blanc : « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! » Leur quotidien est peuplé de règles qui leur paraissent parfaitement logiques, même si elles nous semblent sorties d’un autre monde. Et ils sont pressés, toujours.

L’expression down the rabbit hole est souvent perçue comme négative parce que vue à travers le prisme du Lapin Blanc. Lui n’a pas besoin de justifier son univers : il doit simplement servir sa Reine et éviter de perdre la tête. Pour lui, tout est cohérent et doit aller vite.

Un pays des merveilles?

Dans la pratique du design, nous savons qu’il faut parfois s’accorder le temps d’explorer, d’innover et de sortir des sentiers battus. Or, plonger dans un univers inconnu demande beaucoup d’efforts et un temps considérable.

Comme dans l’univers d’Alice, il faut savoir quelle potion ou quel gâteau nous fera grandir ou rapetisser, philosopher avec une chenille pour mieux nous connaître et accepter l’incertitude grâce au chat du Cheshire (Le chat mauve).

https://www.youtube.com/watch?v=G4fHre-yRPY

Pour sortir un instant d’Alice, cela signifie, d’un point de vue professionnel, qu’il faut comprendre les systèmes en place, clarifier nos rôles et accepter de ne pas toujours avoir toutes les réponses. Sans cela, nous nous sentirons toujours un peu inconfortables.

La Montre de poche

En somme, nous, les designers « Alice », tombons régulièrement dans le Rabbit Hole. Cela peut être positif ou négatif selon le temps — et la patience — que nous accorde notre Lapin Blanc.

Le Lapin Blanc est à l’heure

Magnifique !Parfait ! Cela signifie que nous avons le temps de poser toutes nos questions, de tester différents scénarios et d’avancer à notre rythme. Si le client ou le patron (notre « Lapin Blanc ») est prêt à explorer et à innover, il en retirera de grands bénéfices : découverte de nouvelles technologies, de nouveaux médiums ou de méthodologies inexplorées.

C’est en sortant des cadres habituels que j’ai découvert, par exemple, le design sprint ou le design d’entreprise, et même des domaines qui n’étaient pas directement liés au design.C’est aussi pour cette raison que je suis entrepreneur : c’est moi qui gère le temps que j’ai pour m’égarer.

Le Lapin Blanc est en retard

Yikes ! Cette fois, nous n’avons pas le luxe de prendre notre temps. Même si nous voulons approfondir certains points, tester des hypothèses ou tout simplement faire les choses « dans les règles de l’art » mais, le Lapin Blanc… lui, il est « […] en retard ! En retard ! En retard ! »

Lorsqu’un client ou un patron n’a ni le temps ni l’envie d’explorer, inutile de le blâmer. Il se protège, en quelque sorte, pour ne pas perdre la tête face à ses propres contraintes et urgences.

La morale de cette histoire

La réussite d’un projet repose sur la compréhension du contexte et des contraintes. Parfois, il faut s’enfoncer loin « dans le terrier » pour explorer toutes les pistes possibles. À d’autres moments, mieux vaut s’arrêter pour ne pas bloquer ou retarder l’équipe.

En tant que designer, il est essentiel de trouver un équilibre entre la curiosité — voire l’obsession créative — et les attentes concrètes de nos clients et collègues. Nous devons adapter notre approche aux contraintes du projet : le temps, le budget, les priorités. Sans cela, la vision merveilleuse que nous cultivons dans notre tête risque de rester… une simple fiction.


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