La semaine passée, OpenAI a lancé son modèle GPT-4.5. Et pour une raison ou une autre, tout le monde s’est mis à transformer ses photos dans le style des films du Studio Ghibli. Je l’ai fait moi aussi — parce que j’adore vraiment le travail de Miyazaki.
Puis je me suis rendu compte que je vivais ce que j’appelle un « excès d’enthousiasme ».
Miyazaki et son studio sont contre l’intelligence artificielle. Et je comprends pourquoi — du moins, d’après ce que je perçois à travers ses films. Je les ai écoutés des dizaines de fois… en français, en anglais, en japonais… avec les commentaires audio et tout. J’aime profondément l’art et le souci du détail qui les caractérisent.
Alors, est-ce que Miyazaki est anti-IA, ou bien est-ce qu’il est simplement pour autre chose?
Je pense que Miyazaki est, avant tout, pro-humanité. Oui, l’IA pourrait « aider l’humanité » (ou la détruire, si on penche plus du côté Terminator), mais lui, il croit dur comme fer en son art. En l’observation. En la lenteur. En l’humain.
Et même si je travaille en affaires et que j’adore la technologie, je pense qu’on a besoin, de temps en temps, de ralentir et de se demander si on ne vit pas collectivement un excès d’enthousiasme.
Commençons par le « MA »
« Ma », ça veut dire le vide. Et si vous avez déjà regardé un film de Miyazaki, vous l’avez ressenti. Ce sont des moments volontairement laissés vides pour que le public puisse réfléchir, contempler, imaginer et interpréter ce qui se passe.
Contrairement aux gros blockbusters — où tout est toujours en action, tout est expliqué, tout fait partie d’un « univers » — les films de Miyazaki ressemblent davantage à une œuvre de musique classique, avec des hauts et des bas, des séquences rapides et d’autres plus lentes, et surtout des moments de repos. Du « Ma ».
« Si on met de l’action sans arrêt, sans pause, c’est juste de l’agitation. Mais si on prend un moment, la tension du film peut se déployer dans une dimension plus vaste. Si c’est tendu à 80 degrés en permanence, on finit par devenir insensible. »
Il faut être un bon observateur
Si vous avez étudié en design comme moi, vous savez qu’on parle beaucoup d’empathie — et de comment elle nous aide à comprendre les gens et à mieux les soutenir. C’est le principe du design centré sur l’humain.
Pour Miyazaki, l’observation est essentielle :
« Pour être un bon animateur, il faut être un bon observateur. Il faut voir comment les gens marchent, comment ils bougent, comment le vent souffle, comment les enfants se comportent. »
Et il observe jusqu’aux plus petits détails. Sur le DVD de Chihiro, il y a une explication complète sur comment elle enfile ses souliers :
- Elle enlève ses bas.
Elle insère bien le pied dans la chaussure, parce qu’elle est un peu serrée.
- Puis elle met l’autre pied, et tape légèrement le bout au sol pour ajuster l’ajustement.
Plein de micro-détails… qui comptent vraiment pour un humain.
Imparfaits, mais dignes
La majorité des films du Studio Ghibli parlent de croissance — que ce soit celle d’une personne, d’une famille, d’une culture ou même d’un monde. C’est toujours une question de cheminement, en lien avec l’émotion humaine et l’environnement. Chaque personnage est nuancé. Personne n’est entièrement bon ou mauvais — ils ont tous une histoire, des motivations, des failles… mais la plupart peuvent être rachetés.

Dans Princesse Mononoké, par exemple, le personnage « méchant », Lady Eboshi, veut tuer l’esprit de la forêt. Plutôt vilain, non?
Mais Lady Eboshi est aussi la cheffe d’une ville fortifiée composée en majorité de femmes, et elle prend soin d’une douzaine de personnes atteintes de la lèpre. C’est noble, non?

Elle est imparfaite, mais aussi le fruit du malheur et de la guerre.
Et l’IA là-dedans?
Où est votre « Ma »?
Oui, on a besoin d’être productifs, d’aller vite — mais trop vite, trop souvent, trop facilement, ça finit par nous engourdir. Sans ces moments de vide, comment peut-on réfléchir, contempler, imaginer, interpréter ce qui se passe?
Êtes-vous un bon observateur?
Pour être un bon designer — ou juste une bonne personne — il faut être attentif. Oui, l’IA peut maintenant détecter les émotions humaines et produire des réponses qui semblent empathiques. Mais est-ce vraiment ce dont on a besoin?
Moi, je veux que ce soit ma famille, mes amis, mon ou ma partenaire qui soient les observateurs de ma vie. Qu’ils remarquent quand ça ne va pas, qu’ils soient là pour moi. Et je veux pouvoir faire pareil pour eux. Cette présence-là, elle est inestimable.
Imparfaits, mais dignes
L’IA, les réseaux sociaux, la propagande, les chambres d’écho… Pas besoin d’élaborer. Mais ce que je peux dire, c’est que en personne, les gens ne sont pas aussi méchants qu’on nous le fait croire.
La prochaine génération
Aujourd’hui, c’est facile d’utiliser notre expérience pour améliorer notre travail grâce à l’IA. Mais on n’a pas encore compris l’impact à long terme de cette technologie.
On commence à peine à saisir comment les réseaux sociaux contribuent à l’anxiété chez les jeunes. Alors on doit vraiment réfléchir à comment l’IA peut soutenir l’apprentissage, au lieu de simplement faire le travail à la place des gens.
Et il faut penser plus large. J’entends souvent :
« L’IA ne prendra pas ton emploi. C’est quelqu’un qui utilise l’IA qui va le faire. »
C’est vrai. C’est pour ça que j’utilise l’IA.
Mais… si je garde mon emploi et que quatre autres personnes le perdent parce que je suis rendu beaucoup trop efficace… qu’est-ce qu’on fait avec eux? Ils retournent à l’école?
Ce n’est pas une question d’être pour ou contre l’IA.
Mais comme société, on doit tracer des limites — sinon, ce seront les entreprises qui le feront. Et quand c’est le cas, c’est toujours l’argent qui gagne.
Ma conclusion du vendredi après-midi
Dernièrement, j’ai pris l’habitude de réserver un peu de temps dans mon horaire pour écrire et dessiner ces petites vignettes mauves. Oui, je pourrais utiliser l’IA pour le texte ou les illustrations. Mais pourquoi?
Ce n’est pas une question d’efficacité. Ce n’est pas une question de portée. Honnêtement — si je dépasse les 1 000 vues, je suis content. Et pour les articles? Si 50 d’entre vous sont rendus jusqu’ici — bravo! Laissez un commentaire, un like, un partage. 😉
Je fais ça parce que ça me permet d’apprendre mon métier. De réfléchir, de contempler, d’interpréter ce qui se passe.
Ça me force à observer — et à demander l’avis des autres.
Et j’ai fini par accepter que mes textes sont imparfaits… mais dignes.
Et surtout parce que j’aime ça.
On ne demanderait pas à une IA de compléter un mandala pour soi, non?
Ce que j’ai fait…
À court terme, ce que vous pouvez faire, c’est vous poser ces deux questions:
• Qu’est-ce que j’aime vraiment dans mon travail, que je ne laisserais à personne d’autre?
• Qu’est-ce qui est long, répétitif ou plate, que je donnerais volontiers à quelqu’un d’autre (ou à une IA)?
Protégez votre “Ma”.