Dans beaucoup d’organisations, la feuille de route est perçue comme “la stratégie”. On aligne des projets sur une ligne du temps, on met des jalons, on coche des livrables. Cela rassure.
Mais une feuille de route n’est qu’un plan d’exécution. Elle ne dit rien des paris que fait l’organisation, ni de la manière dont ces paris s’articulent entre eux.
C’est là que se perd la valeur stratégique.
Quand la feuille de route devient un piège
On a vu des équipes passer des mois à produire une planification parfaite… qui volait en éclats dès la première incertitude. Pourquoi ? Parce que la feuille de route avait été conçue comme une liste fermée de projets, pas comme une carte vivante des choix stratégiques.
Le danger est double :
- Illusion de contrôle : on croit tout anticiper, alors qu’on n’a pas cadré les vraies incertitudes.
- Paralysie : dès qu’un projet dévie, tout le reste s’écroule comme un château de cartes.
Les erreurs fréquentes
- Confondre livrables et résultats : livrer un CRM n’est pas une stratégie, c’est un moyen.
- Ignorer les dépendances : deux initiatives lancées en parallèle peuvent se bloquer mutuellement.
- Écarter les paris : les projets exploratoires sont vus comme secondaires, alors qu’ils préparent l’avenir.
Penser stratégie comme un portefeuille de paris
Une stratégie ne se résume pas à exécuter. C’est aussi choisir où miser.
Un portefeuille équilibré comprend :
- Des initiatives d’exécution : ce qu’on doit faire pour assurer le présent.
- Des paris : ce qu’on teste pour ouvrir l’avenir.
Les deux cohabitent, mais pas au même rythme ni avec les mêmes critères de succès.
Mettre en ordre les dépendances
Un simple exercice change la donne : cartographier les dépendances critiques.
Exemple : inutile de lancer un programme de personnalisation client si la qualité des données est encore instable.
Rendre ces liens visibles évite les blocages coûteux et facilite les arbitrages.
Exemple vécu
Une entreprise de distribution voulait lancer un parcours e-commerce ambitieux. La feuille de route initiale alignait 12 projets.
En analysant les dépendances, une évidence est apparue : tout reposait sur la fiabilité du stock en temps réel.
La stratégie a donc été ajustée : priorité absolue à l’intégration logistique, puis seulement au front-end client.
Résultat : une mise en ligne plus tardive, mais un parcours robuste, sans rupture de stock ni perte de confiance.
Mesures qui comptent
- Proportion de projets liés à un pari stratégique (et pas seulement à l’exécution).
- Nombre de dépendances critiques explicitées et suivies.
- Taux de décisions prises sur des critères stratégiques plutôt que sur la disponibilité des équipes.
Et après ?
La feuille de route reste utile, mais ce n’est pas la stratégie.
La vraie stratégie, c’est la capacité à choisir ses paris, ordonner les dépendances et ajuster le rythme.
Au lieu de se demander “quand livrerons-nous ce projet ?”, la bonne question devient :
“Ce projet renforce-t-il notre présent, prépare-t-il notre avenir, et que dépend-il des autres ?”
FAQ
Faut-il abandonner la feuille de route ?
Non. Mais il faut la voir comme un outil d’exécution, pas comme un substitut de stratégie.
Combien de paris une organisation peut-elle gérer ?
Tout dépend de sa capacité. Mieux vaut trois paris bien cadrés que dix dispersés.